dimanche 15 mai 2011

L'argent du diable


Aboubacar Adamou, Aminata Issaka et Mahamadou Hama Souley dans L'argent du diable. en représentation au Centre des jeunes de Karadjé
Texte et mise en scène de Boukari Mousa Angou avec la complicité artistique d'Alfred Dogbé
Production : Compagnie théâtrale Zindirma et Arène Théâtre

Trois jeunes gens, Fati, Ismael et karim, décident de mettre en projet un rêve : créer un restaurant. Mais cette heureuse initiative se heurte à l'indifférence d'un milieu qui ne leur accorde pas la moindre chance. C'est la dèche chez ces jeunes sortis de la Fac mais se retrouvent sans emploi. Alors que faire ?

La réponse vient, suggérée par les exemples alentours : Tuer, voler, violer, tout faire sauter. Pourvu que le restaurant tant rêvé ouvre ses portes.  C'est apparemment simple : il n'y a qu'à faire comme les autres.  Il ne reste plus qu'à passer aux actes...

La fille s'en va pour se prostituer. Et elle ramène la coquette somme de cent mille francs. Mais ses copains découvrent qu'elle a juste emprunté cet argent auprès de El Hadj Logomi.  Voici le tour du second, de se constituer en détrousseur de vieilles dames et de ramèner des bijoux qu'il prétend avoir arrachés à une passante. On découvre que les bijoux sont  sont ceux de sa mère.  Quant au troisième apprenti larron, il dit posséder un multiplicateur magique de billets qui, pour fonctionner, doit être arrosé du sang d'une vierge.  Mais comme les deux premiers, il ne réussira jamais à sauter le pas du crime et de l'immoralité.

Dans une mise en scène qui se contente du strict nécessaire : un banc, deux chaises, et quelques accessoires-, cette pièce dépeint et fustige nos mœurs.

Créé en fin 2010 avec l'appui du Centre Culturel Franco Nigérien de Zinder, le spectacle est resté confiné dans les tiroirs après avoir été montré une fois à Zinder puis une autre fois à Maradi.  Iil aurait fallu Émergences pour effectivement le voir émerger. Il faut espérer que la préoccupante question de la diffusion de nos spectacles à travers le pays et au-delà, va être eu centre du plan d'action du Réseau des compagnies de théâtre du Niger qui vient d'être mis en place lors de cette cinquième édition du festival Émergences 2011.

Bello Marka

Kokou Yémadjé, comédien et metteur en scène Béninois.

Pouvez-vous vous présenter à nos blogueurs?

Je m'appelle Kokou Yémadjé. Je viens du Bénin. Je suis comédien et metteur en scène.  

Vous venez de signer la mise en scène du mono « confessions posthumes ». Est-ce là votre toute première ? 
Je n'en suis pas à ma première mise en scène. Je fais de la mise en scène depuis 1997. En tant que professionnel, c'est une bonne quinzaine de textes que j'ai mis en scène. Et « confessions posthumes » est une pièce de théâtre monologue écrite par Danai Ouaga Balle qui est un tchadien qui vit au Gabon. C'est un texte qui m'a beaucoup plu de par son esthétique, de par sa pertinence, de par sa construction. il traite d'un sujet qui nous paraît quand même proche de monsieur n'importe qui, qui porte sur une question de vie sentimentale mais assez complexe. Pour la petite histoire, cette pièce traite d'une histoire telle qu'un monsieur se retrouve au soir de sa vie compètement dans la déchéance parce que il a le sida, parce que sa femme vient de mourir il y a 3 mois, parce qu'il a découvert le cahier intime de cette épouse morte dans lequel il découvre que celle-ci l'a de tout temps trompé avec le témoin de leur mariage. Mais en fait lui aussi a trompé sa femme qu'il n'aimait pas véritablement avec ce même témoin de mariage puisqu'il était homosexuel . C'est une pièce complexe ... Quand je l'ai rencontrée, en 2007, j'avais un lot de textes que je devais lire pour voir lequel me plaisait. Cette pièce m'a tout de suite plu. Mais j'avais un problème : le problème de l'homosexualité . Je me suis dit «: »ce texte me plaît; je vais le monter. Je vais le jouer ». Mais j'avais un blocage. Et cette pièce m'a grandi parce qu'après, je me suis dit que même si ça traite d'homosexualité, ce n'est pas moi qui suis homosexuel, c'est un presonnage qui l'est. Cela m'a amené à comprendre que j'avais aussi un blocage en tant qu'acteur à ne pas vouloir incarner un type de personnage donné. Après ça m'a beaucoup plu quand je joue.
 
Pourquoi avoir choisi cette pièce précisément ?
Si j'ai choisi de monter cette pièce plutôt qu'une autre, c'est qu'elle est résolument proche de chacun d'entre nous. C'est véritablement un miroir dans lequel chacun peut se retrouver dans chacun des personnages de cette pièce, sans oser l'avouer publiquement.  

Pouvez-vous nous parler de cette expérience qui consiste pour un metteur en scène de se mettre lui-même en scène ?
Se mettre soi-même en scène n'est pas chose facile, il faut de la méthode, être passionné et acharné. Car cela demande beaucoup de travail. il m'arrive de mettre en scène une pièce en 1 ou 2 mois . Evidemment il y un gros travail en amont. Mais là, après tout un travail effectué seul en tant que metteur en scène, en tant que comédien, j'ai dû faire un travail acharné de près de 6 à 7 mois. Donc vous voyez bien la différence... Se mettre en scène n'est pas chose évidente. C'est beaucoup plus difficile. Cela demande du détachement et c'est compiqué. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas facilement monté cette pièce comme j'en ai l'habitude en 1 mois, mais en sept mois. Et pour moi, c'est de début du commencement, à partir du moment où j'ai fait la première représentation et que j'ai eu des retours, des suggestions. De toutes les façons comme c'est une pièce que j'ai beaucoup de plaisir à jouer, je compte la jouer sérieusement

Interview réalisée par Bello Marka

Confessions posthumes


Confessions posthumes  de Danaî Ouaga-Balle, mis en scène et interprété par Kokou Yémadjé - Production Kokou Théâtre, Bénin. 

« Seul...Je me sens seul. Dans le tourment, on a besoin d'un regard, d'un sourire... » C'est par ces mots poignants que commence Confessions posthumes ». Le « monologue met en scène l'histoire d'un couple marié voici trente ans mais dont la femme vient de mourir voici juste trois mois. Et le mari découvre parmi l'héritage laissé par la défunte, un carnet dans lequel elle consigne minutieusement, avec un plaisir sadique, ses «  petits secrets ». Par exemple, le mari apprend que son épouse, le trompait avec Eric... Eric, c'est le témoin de leur mariage... Et voici ce que l'épouse pense de lui : « Avec toi ma vie a été une course sans fin. Le bonheur était ailleurs. ». Evidemment, le bonheur était, se trouvait n'être qu'entre les mains de Eric... Ce même Eric, l'amant de la femme est également l'amant du mari... Mieux l'homme apprend que : « Tangui n'est pas ton fils ». Le coeur brisé, mais qui s'accroche encore, il répond « Mais pourtant il m'a toujours appelé papa! ». Perdu dans son désespoir et le whisky où il noie ses douleurs, il demande à l'absente : « Mais alors, il est le fils de qui « ? Question à laquelle seul répond le silence... Histoire de couple qui prend un plaisir vicieux à se mentir, à se faire mal, à se tuer l'un l'autre à coups de révélations ahurissantes... Voici Confessions posthumes . Le texte semble un vrai poème. Le jeu, est à la hauteur. Les répliques qui viennent soit du personnage au présent, soit du carnet de la défunte dans l'absent, sont limpides, fluides. Et quand le personnage coupe le fil avec la défunte, confessions posthumes, sent quelque part, l'odeur du roussi d'un divorce posthume. Kokou Yémadjé qui a interprété la pièce, s'est mis en scène lui-même. Un vrai défi. Dans le public qui vient de l'ovationner, quelqu'un a demandé : « Ce monsieur est-il le frère de Fargass (Assandé) ? En tout cas il a fait effet avec sa présence sur scène et sa voix de maître ». Comme quoi, la relève est assurée.

Bello Marka

Cirque : Petit grand vélo

La compagnie Petit Vélo du Burkina Faso 
Avec Fofana Ben Abdoulaye, Ehouman Biaise, Mokono Brice, Ali Diarra et Coulibaly Ousmane. 

Quand on vient pour voir Petit vélo, on découvre avec une agréable surprise que c'est en fait un Petit Grand Vélo. A la fois amusant et sérieux, voici du cirque au théâtre. Original...la vision, on le voit s'étend. Ces génies de l'acrobatie, de la voltige, de l'équilibre sur vélo, de la danse et de la prestidigitation sur fond de roulements de Djembés et de tambours, ont su retenir le souffle du public. Surtout des enfants amusés qui ont été intégrés au spectacle.
 
Ces magiciens du jeu et de l'équilibre, qui cultivent la vertu du partage, ont offert aux personnes intéressées une séance d'initiation à l'Espace Tréteaux du Niger.

Bello Marka

Ce qu'ils pensent du festival

Certains festivaliers ont bien voulu confier à Moustapha Bello Marka leurs avis sur le festival : qu'est-ce qui a marché ? Qu'est-ce qui n'a pas marché ? Vous pouvez compléter, nuancer, enrichir. Réagissez vous aussi !  

Toudeba Bobbele,  
scénographe et comédien, Ouagadougou Burkina Faso
Je suis artiste comédien conteur et scénographe. Je viens du Burkina. Je suis au festival Emergences pour travailler sur l'aspect scénographique. J'étais déjà là en 2008 et en 2011. Je trouve qu'il y a une grande évolution. Il y a des choses qui ont eu une nette amélioration. D'autres qui se sont perfectionnées. Mais il y a encore des choses à parfaire sur le plan organisationnel. La coordination doit être revue un peu et il faut revoir aussi l'aspect logistique. Cette année il y a eu des coupures imprévues d'électricité. Il y a des prévisions...Mais un spectacle qui a été prévu avec des lumières qui ont été conçues et créées des mois à l'avance, quand tu trouves brusquement qu'il n'y a pas de courant, du coup cela abat et les comédiens et le metteur en scène. Tu as l'impression que tu as répèté inutilement. Cela démotive acteurs, metteur en scène et toute l'équipe artistique. Et aussi ce que j'ai remarqué c'est que la précision manque souvent dans la distribution des tâches. Un chauffeur qui se retrouve à la fois dans un atelier ...Ca crée souvent un disfonctionnement. Pour améliorer la qualité de la scénographie, on a un bon exemple qui est celui des Recréatrales. Du point de vue scénographique les Recréatrales ont un collège de scénographes qui est l'Association Faso-Scéno qui est une compagnie composée de techniciens, de scénographes, de peintres, de plasticiens, et tous les corps du métier des arts. Ici à ma connaissance je ne connais pas de scénographe, et cela est un handicap. Il faut y penser. Il faut animer des ateliers d'initiation à la scénographie, à la régie son et lumière et autres parce que tous ces éléments accompagnent la création artistique. Ils sont certes à l'ombre mais ils jouent un rôle très important qui fait que le spectacle est encore mieux et même meilleur. Il y a des choses à faire en termes de formations, ateliers, initiation aux différents métiers de la scénographie.

Hermass Baguidi
directeur de compagnie Avemian - Cotonou Bénin
En dehors de la programmation qui n'a pas bien fonctionné, ça a été un festival de plaisance. Les gens se sont croisés mais la programmation n'a pas permis le débat et la communion. Quand on sort de la salle, c'est la nourriture qui est primordiale. Et quand on finit de manger, il est déjà tard, il faut que tout le monde se quitte. Du coup il fallait trouver de petits moments d'entracte pour que les gens puissent se retrouver et dire « ah oui, j'ai vu ton spectacle, j'ai aimé ceci, j'ai pas aimé cela ». Il faut de l'échange. Sinon pour la programmation ce sont les horaires qui ont posé problème. On a vu de très belles choses et la participation des pays la sous-région a été une très belle chose, que ce soit Petit vélo du Burkina Faso ou les spectacles venus du Togo, du Bénin ou des spectacles nigériens, c'était très bien. Mon voeu est que la programmation des spectacles tienne encore plus compte à l'avenir de la sous-région et qu'on améliore en trouvant des moments pendant lesquels les gens puissent se croiser et discuter des spectacles.  

Edouard Lompo  
Directeur de l'ensemble kassai, metteur en scène et dramaturge, Niamey
J'ai touvé que l'organisation était meilleure que d'habitude. Qu'il y a eu de belles initiatives comme le séminaire que nous avons pu organiser sur le théâtre nigérien. Nous avons pu discuter et mettre en place un Réseau des compagnies de théâtre. C'est un bon début. Pour ce qui n'a pas bien marché, au niveau des spectacles la programmation a été un peu compliquée. Il y avait des spectacles qu'on avait ratés qui ne jouaient qu'une seule fois. Ceci parce qu'il y avait d'autres spectacles qu'on devait voir. Il fallait donner la possibilité pour permettre au moins aux gens de voir tous les spectacles.  

Mahamadou Hama Souley dit Sankadi  
comédien compagnie théâtrale Zindirma (Zinder) Je dirai avec les expériences que j'ai eues, qu'il y a eu beaucoup d'évolution sur le plan organisationnel et aussi au niveau des spectacles qui ont été accueillis. J'ai beaucoup aimé la restauration et l'hébergement. Ce que je suggère c'est de voir les programmations de spectacles. J'ai trouvé cela trop lourd. Ce n'est pas facile certes mais on peut mieux faire par rapport au déplacement des artistes. Parce que une réalité est là : on ne vient pas seulement dans un festival pour jouer mais aussi pour voir les autres jouer. Du moment où on décide d'avoir des sites différents pour jouer des spectacles, il faut savoir que si on s'engage en ce sens, on doit mettre les moyens pour que les autres artistes ne jouent pas à la même heure et qu'ils puissent avoir la possibilité d'aller voir d'autres spectacles. Niamey est grand, les sites sont éloignés les uns des autres. Il faut revoir ça.  

Fatima Tchiombiano
comédienne compagnie Arène Théâtre - Niamey
Par rapport aux éditions précédentes cette année je dirai chapeau pour les organisateurs du festival. Mais au niveau de la programmation, on ne pouvait pas suivre certains spectacles alors qu'il aurait juste fallu décaler de trente minutes pour que cela soit bien. Au niveau de l'hébergement, il faut trouver une formule. Souvent quand on finit les spectaces, les lieux d'hébergement sont loin et pour pouvoir avoir le temps de discuter avec les acteurs, c'est difficle.
 
Cheikh Kotondi, 
directeur de festival Bijini-bijini- Niamey
Ce qui a marché, c'est le séminaire qui a eu lieu où les gens ont eu à échanger sur les problèmes et les perspectives du théâtre au Niger. Parce que c'est quelque chose qu'il fallait faire et vraiment là on a pu le faire. Ce qui n'a pas marché à mon avis est qu'il y a des spectacles aux mêmes heures dans des espaces différents. On a envie de voir 2 spectacles et les 2 spectacles doivent jouer 2 fois et sont programmés presque à 2 endroits différents à la même heure. Cela nous a vraiment beaucoup dérangés. Si on pourrait à l'avenir essayer de faire de telle sorte que pour un spectateur comme nous on puisse voir tous les spectacles ce serait une bonne chose. Que les gens aient le temps de se déplacer pour suivre un autre spectacle. Et pour ceux qui sont à la commune 5 si on peut faire que le décalage soit encore plus long, ce serait bien. Le pont est ce qu'il est. Le temps qu'on passe là bas et essayer de voir l'ensemble des spectacles et c'est déjà trop tard.  

Habib Mahaman Latif,  
comédien Zindirma, participant à l'atelier de lecture à haute voix
Pour moi l'organisation a bien marché. Mais ce qui a posé problème c'est qu'au moment où les troupes jouent il y a des personnes qui n'arrivent pas à suivre les spectacles. Alors qu'on est tous là pour s'enrichir de l'expérience des autres.  

Diabaté Abdel Nasser  
Comédien, club Unesco Niamey, participant au stage de lecture
Je trouve que ce qui a marché c'est surtout l'organisation, l'atelier,  

Hamani Moumouni  
Comédien, Cie Galgadin Matassa Agadez, participant au stage de lecture
Mon avis par rapport à cette édition est que je suis globalement satisfait. J'au suivi une formation de lecture à haute voix, et cela était d'un grand apport. Pour moi c'est un succès  

Seidou Bassirou
comédien, Club Unesco Niamey, participant au stage de lecture
Ca fait la troisième édition à laquelle je participe. Comparativement aux autres éditions je pense qu'il y a de l'amélioration. Ca veut dire que les recommandations et les observations ont été prises en compte. Sur le plan restauration et prestation de spectacles, il y a de l'évolutiuon, il n'y a pas de retard. Tout a bien fonctionné. Idrissa Aoui, Technicien Centre Culturel Franco Nigérien Jean Rouch, Niamey On est vraiment au coeur de Émergences. Ce qu'il y a lieu de faire est de réorganiser la programmation parce que cela permet aux techniciens de bien cadrer. Quanfd tu as deux, trois voire quatre spectacles. Surtout j'insiste sur la programmation qu'il faut bien cadrer.  

Aminatou issaka
Artiste comédienne Arène théâtre, directrice festival Paroles de femmes (Niamey).
Pour moi dans l'ensemble ça va. Ce qui est intéressant, c'est que en termes d'organisation ça va par rapport aux éditions passées. Certes il y a toujours des choses qui restent à corriger mais dans l'ensemble ça va en termes d'organisation. Côté spectacles c'était tout à fait clair que les projets qui vont être présentés sont des projets qui viennent à peine de finir. Ce sont donc les premières qu'on va voir. Maintenant je pense que si l'on veut vraiment améliorer, il faut créer un cadre pour pouvoir faire des critiques des différents spectacles.C'est important de faire des critiques. Cela peut nous faire avancer. Ce que je suggère dans l'avenir c'est qu'il faut qu'on tienne compte que pour créer il faut du temps et du matériel. Il faut se donner le temps qu'il faut pour créer. Cela ne sert à rien de créer dans la précipitation. Donnons-nous du temps pour créer et montrer de belles choses.

Propos recueillis par Bello Marka

Parole libre est accordée au professeur Ayayi Apedo-Amah


Pr Ayayi Apedo-Amah, enseignant chercheur à l'université de Lomé, département des Lettres modernes où il enseigne le théâtre et la littérature. 
Il a animé le séminaire sur la production théâtrale au Niger.

De ses rapports avec la culture...

Mes rapports avec la culture sont consubstantielle, puisque nous sommes dans la culture, nous vivons en nous exprimant à travers la culture, à travers une ou des langues qui expriment des cultures, une vision du monde etc. Par rapport à cela je me suis toujours battu pour donner toute sa place à la culture dans nos pays où elle est négligée parce que les gouvernants estiment qu'elle n'est pas une priorité. Donc par rapport à tout cela, ce vide créé sciemment par nos gouvernants nous amène à un déficit. Quand on observe l'Afrique sur le terrain de la culture et la place de l'Afrique dans le monde, qui est la dernière, on constate un déficit de la pensée. Il y a le règne de l'aliénation.
La colonisation continue sous d'autres formes et tout ça parce que justement la culture n'a pas la place qu'il faut dans nos sociétés. je disais lors du séminaire que si on prend nos sociétés, il n'y a que les noms arabes dans les pays musulmans, que des noms européens dans les pays christianisés. Nous ne prenons plus nos noms traditionnels, les noms propres à nos cultures, par aliénation, par honte. Ceci est très grave dans la mesure où le nom, c'est l'identité. Le nom dit votre origine. Le nom dit ce que vous êtes. Le nom est la résultante d'une langue et de certaines croyances. C'est un legs des ancêtres, un legs du patrimoine, de l'histoire. Et si nous nions tout cela, nous nions ce que nous sommes et nous confortons l'aliénation coloniale. Il est important que nous ôtions les chaînes de l'esclavage. Avant, on avait ces chaînes aux mains et aux pieds. Mais aujourd'hui ces chaînes sont dans notre tête.
C'est en brisant ces chaînes -là qu'on va pouvoir penser au développement de l'Afrique, à l'épanouissement de l'Africain. Il faut que l'homme Africain puisse se libérer des modèles étrangers dont il est esclave qui l'enchaînent. Il faut que l'homme Africain arrive à penser, à avoir une vision propre à sa société et sur sa société pour concevoir son développement.  


De ses rapports avec le théâtre...

Mes rapports avec la théâtre, viennent du fait que le théâtre est la spécialité que je me suis donnée dans mes études. j'ai fait des études de théâtre et c'est ce que j'enseigne. J'enseigne entres autres la littérature africaine, la communication etc. Le théâtre est une spécialité. C'est un art que j'aime et que j'aime voir pratiquer. J'ai même écrit quelques pièces de théâtre que je n'ai pas encore mises devant un public, mais ça viendra certainement. C'est pour toutes ces raisons que je fréquente les salles de théâtre, les festivals de th éâtre et que j'encourage les jeunes qui veulent s'adonner à cet art. On me soumet beaucoup de manuscrits à lire ; on sollicite mes conseils que je donne volontiers pour que cet art puisse émerger et faire vivre ses pratiquants.  

Son point de vue sur l'identité culturelle...

Pour aborder la question de l'identité culturelle, il faut considérer la situation socio économique de l'Afrique et l'histoire de l'Afrique. Nous sommes des sociétés dominées et par rapport à cette question de la domination, nous savons que les dominés eux même entretiennent la domination après le départ du dominant. Par rapport à cette triste réalité,notre identité culturelle doit être pensée parce qu'il faut produire, il faut créer. Lorqu'il y a un vide culturel, lorsque notre imaginaire est nourri par des gens étrangers à l'Afrique, cela ne fait qu'accroitre l'aliénation. Il faut que nos médias audio visuels soient occupés par des créations africaines et non pas seulement par des télé films Bréziliens, etc .
L'Afrique donc doit se donner à voir à l'Afrique et non pas donner à l'étranger et les modèles étrangers ou à la mode. Même les noms qu'on prend sont ceux des vedettes pour les donner aux enfants. L'immoralité qui transparaît dans certains films, nos jeunes aujourd'hui croient que c'est là un modèle à copier, à suivre. Par rapport à tout cela, l'identité culturelle est très importante pour apprendre aux africains à ne pas avoir honte de leur culture. A ne pas avoir honte de porter leurs noms nationaux plutôt que des noms arabes ou européens. Cela est très important.
L'Etat doit faire un travail pédagogique à ce niveau pour que les gens perdent leur complexe. Vous savez dans de nombreux pays occidentaux il est interdit de porter des noms étrangers. C'est contre la loi et on va vous dire que vous portez atteinte à la culture nationale. Alors que l'Afrique est un moulin à vent où tout est permis. Surtout cela nous désavantage, et il faut que nous en soyons conscients.  

De la diversité culturelle...

Pour parler de la diversité culturelle, nos pays sont eux même des modèles de diversité culturelle étant donné qu'ils sont des pays multi ou pluri ethniques. Mais hélas on porte souvent atteinte à cette réalité par le biais de la politique lorsqu'on fait du tribalisme. Le tribalisme est la politique de la tribu qui lèse les autres tribus puisque c'est le partage inégal des richesses de la nation avec lesquelles on fait profiter eeulement une couche de la nation au détriment des autres, ce qui a pour conséquence de créer justement tous les problèmes que nous connaissons en Afrique.
La diversité culturelle, nous devons l'accepter, l'intégrer dans nos modes de gouvernement parce que c'est elle qui va fonder les nations africaines de demain. Aujourd'hui, en Afrique, l'on n'a pas de nation ; il n'y a que des pseudo Etats néo coloniaux. La nation n'existe toujours pas parce que les gens se sentent aujourd'hui haoussa, zarma, ashanti etc avant d'être de tel ou tel pays. Il y a par rapport à cela un travail de conscientisation à faire, et il faut que l'Afrique entame véritablement son développement à travers une vision politique de ce que nous voudrions que soit l'Afrique, sinon nous resterons sans développement. Tant que nous demeurerons subjugués, dépendant des autres, c'est les autres qui décideront pour nous. Il est temps que nos chefs d'Etat cessent d'être des mendiants en costumes 3 pièces, sinon nous serons toujours à la traine des wagons. Il faut que nous aussi nous devenions des locomotives pour que nous conduisions nos peuples à bon port. Et ce port là est celui du développement à travers les emplois, les soins, de quoi manger, et de la liberté .

Propos recueillis par Bello Marka